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Cet immeuble privé ne se visite pas. Sa façade est visible lors de la visite sur le béton.

Une œuvre pionnière du béton armé

25 bis rue franklin

Ce chef-d’oeuvre des frères Perret offre aux regards ce qui fut le manifeste de la méthode Perret. L’immeuble, construit en 1904, est en béton armé. On y applique le plan libre : aucun mur n’est porteur, seuls des poteaux de béton assurent la solidité de la construction. Cette formule a séduit Le Corbusier qui a travaillé pendant un peu plus d’un an chez Auguste Perret en 1908-1909.
Comme on est encore aux débuts des constructions en béton armé, on estime qu’il vaut mieux recouvrir le béton, Auguste Perret s’en explique : « A ce moment, nous pensions qu’un revêtement était nécessaire pour la bonne conservation des fers ; nous les avons donc revêtus de grès flammé que nous considérions alors comme la matière indiquée ». (Extraits d’une conférence prononcée par Auguste Perret à l’Institut d’art et d’archéologie, Paris, 31 mai 1933, publiée sous le titre « L’architecture », dans La revue d’art et d’esthétique, 1-2, 1935).

La construction rationnelle doit apparaître Perret rue Franklin

Alexandre Bigot 25 bis rue Franklin
Les grès cérame d’Alexandre Bigot : unis sur les parties porteuses et à motifs floraux sur les parties de remplissage

Le décor de céramique sert de protection, mais le béton nu n’aurait sans doute pas été apprécié en ce temps par les habitants et par la municipalité de Paris. Auguste Perret poursuit la présentation de sa méthode : « … mais nous avons eu bien soin de faire ces revêtements de forme différente, suivant qu’ils s’appliquaient aux poteaux ou aux remplissages, cela pour affirmer l’ossature ». La distinction entre parties porteuses et non porteuses est essentielle dans la pensée d’Auguste Perret; elle est ici signalée par le décor, uni sur les parties porteuses et à motifs floraux sur les parties de remplissage. Plus tard, cette distinction se manifestera par les coloris du béton lui-même lorsqu’il sera autorisé à apparaître en façade. On le voit notamment dans la reconstruction du Havre ou au Palais d’Iéna (siège du Conseil économique social et environnemental), ou encore dans l’immeuble construit autour de 1930 par les mêmes architectes 51-55, rue Raynouard, proche du 25 bis, rue Franklin. Pendant plus de cinquante ans, Auguste Perret a voulu que ses constructions annoncent leurs structures de façon évidente, avec la même clarté que dans les cathédrales du Moyen-Âge. Le 25 bis, rue Franklin est donc déjà une esthétique du béton, même si la céramique le recouvre: la structure est lisible par le décor d’Alexandre Bigot.

L’organisation de l’espace

Usant de l’évolution des règlements d’urbanisme, les frères Perret multiplient les bow-windows et les loggias, faisant jouer saillies et retraits sur une façade qui apparaît comme creusée. En effet, en utilisant les possibilités offertes par le règlement de 1902, les architectes on installé ce qui aurait dû être la cour arrière de l’immeuble en façade : ainsi les surfaces vitrées, permises par l’ossature en béton, sont plus nombreuses que sur une façade plane.
La cage d’escalier est à l’arrière, côté nord-ouest, elle est éclairée par des pavés de verre du même modèle que ceux qu’on peut voir en façade au-dessus de la porte de service. Ces pavés ont été renouvelés lors de la restauration de 2016. Un ascenseur est aménagé.

Perret rue Franklin
Les pavés de verre en façade

L’appartement d’Auguste Perret se trouve au dernier étage d’où il peut contempler la tour Eiffel, chef-d’œuvre du rationalité. Les chambres des domestiques sont au dernier étage. Perret rue Franklin
La distribution des appartements est identique dans les cinq premiers étages, elle reste conforme à l’idéal de la fin du XIXe siècle : les pièces en enfilade en façade sur rue, la salle de bain à l’arrière. Mais la cuisine, ayant besoin de lumière et d’aération, a sa fenêtre en façade, côté gauche; elle est directement accessible depuis l’escalier de service, situé comme l’escalier principal à l’arrière, mais plus faiblement éclairé.

Auguste et Gustave Perret ne poussent donc pas encore trop loin les possibilités du béton armé, ils construisent de manière plus commode et plus fluide un immeuble qui ne révolutionne pas l’espace domestique. Il faudra attendre les premiers travaux de Le Corbusier, quinze ans plus tard, pour que s’affirment les nouvelles formes architecturales que le béton permet. Mais ce n’est pas sur cette voie que s’engageront les frères Perret qui répondront au purisme corbuséen par « l’ordre du béton armé » comme il y a eu les grands ordres classiques. Une manière de dire que le béton renouvelle l’architecture mais n’en gomme pas l’histoire.

L’agence des frères Perret s’installe au rez-de-chaussée du 25 bis, rue Franklin qui forme un socle pour les étages supérieurs largement en retrait.

Pour aller plus loin sur les frères Perret et le 25 bis, rue Franklin

Perret 25 bis rue Franklin
  • Voir aussi l’article sur le théâtre des Champs-Élysées de Perret.
  • Simon Texier, Paris, grammaire de l’architecture XXe-XXIe siècles, Parigramme, 2007, p. 47.
  • Hervé Martin, Guide de l’architecture moderne à Paris 1900-1990, Syros, 1987, p. 176-177.
  • Des photographies prises depuis l’intérieur de l’immeuble sont visibles dans Pierre Vago, « Perret », L’Architecture d’aujourd’hui, n° 7, octobre 1932, p. 17-18, en ligne sur le site de la bibliothèque de la Cité de l’architecture.
  • Une autre oeuvre de Perret, détruite en 1970 : le garage de la rue de Ponthieu (1905-1906), photographie de Charles Lansiaux (Musée Carnavalet).
  • A quelques pas de la rue Franklin, une maquette est exposée à la Cité de l’Architecture, elle permet de voir les détails intérieurs de l’immeuble.
  • Sur la céramique d’Alexandre Bigot, voir aussi l’immeuble de la rue Campagne-Première.
  • La façade du 25 bis rue Franklin est visible lors de la visite sur le béton.

Perret – 25 bis, rue Franklin